Les Universités de la Petite Enfance.Rencontres Interprofessionnelles pour grandir ensemble.
Vendredi 28 Novembre 2014 à Lille Grand Palais.
Intervention de Catherine GUEGUEN: Que se passe-t-il dans le cerveau de l’enfant quand il éprouve des émotions, quand il joue?
Catherine GUEGUEN : pédiatre, spécialisée dans le soutien à la parentalité, formée en haptonomie et en Communication Non Violente (CNV). Auteure de l’ouvrage « Pour une enfance heureuse. Repenser l’éducation à la lumière des dernières découvertes sur le cerveau ».
Une micro-société comme la crèche est un lieu de tempêtes émotionnelles : place aux grandes joies, de grandes colères, de véritables détresses et paniques.
Catherine GUEGUEN distingue ÉMOTION et SENTIMENT. Elle indique que:
l’émotion est physiologique (sueur, Coeur qui bat vite, rougeurs…) le sentiment vient après l’émotion et dure sur le temps.
Une partie du cerveau est dédiée aux émotions et aux capacités émotionnelles. C’est en sentant ce qui nous convient qu’on choisit le sens que va prendre notre vie. L’émotion nous permet de nous connaître.
Il y a des émotions agréables (nos besoins profonds sont satisfaits) et désagréables ( nos besoins profonds sont insatisfaits).
Nous ne contrôlons jamais l’apparition de nos émotions.
Quand dans l’enfance il y a eu des humiliations, des punitions, on se déconnecte de ses ressentis pour ne pas souffrir. Lorsqu’il y a eu interdiction d’exprimer ses émotions désagréables jugées comme négatives, il n’y a pas de connexion avec ses émotions.
L’expression des émotions calme l’amygdale cérébrale (qui secrète des substances toxiques). Ainsi,
la verbalisation est importante et savoir gérer les émotions est indispensable.
Le cortex préfrontal gère les émotions. Il permet de :
réguler nos émotions fortes, nos impulsions analyser clairement et calmement ce qui nous arrive savoir ce qu’il convient de faire.
Image issue de l'ouvrage de Catherine GUEGUEN, Vivre heureux avec son enfant. Un nouveau regard sur l'éducation au quotidien grâce aux neurosciences affectives. Editions Robert Lafont, 2015.
Chez l’adulte violent, l’activité du cortex préfrontal est très faible.
Que se passe-t-il dans le cerveau de l’enfant? :
L’enfant est un être en construction. Il est très fragile. Le cerveau est un organe plastique, capable de « remodelage » sous l’effet des expériences.
L’enfant a une plasticité cérébrale très active. Le développement de son cerveau est très important les cinq premières années de vie, mais va jusqu’à trente ans.
Ce n’est que vers 5/6 ans que l’enfant parvient à mieux réguler ses émotions: ce n’est pas qu’il ne veut pas, il ne peut pas. Il est incapable de s’apaiser seul.
Que faire? Être soutenant, aimant, bienveillant.
L’environnement de l’enfant influence entre autres :
la sécrétion de molécules cérébrales le développement des neurones la densité et les connexions synaptiques la formation des circuits neuronaux
Il n’y a pas de caprices chez l’enfant. Juste une immaturité normale. Plus l’enfant vit des expériences d’empathie, plus il devient sociable et moins il développe des comportements agressifs et antisociaux.
L’enfant rencontre une poussée de croissance entre 5 et 7 ans. Son développement dépend des expériences affectives vécues.
Le Cortex orbito-frontal (c.o.f) est capital pour notre vie sociale. L’affection, l’écoute, l’empathie développent et renforcent le c.o.f.
Les punitions corporelles engendrent une altération importante du c.o.f et en diminuent le volume.
Le stress est très délétère. Le stress intense diminue la fabrication des neurones. Lorsqu’il est permanent, il augmente la sécrétion de cortisol qui est toxique et qui détruit les neurones.
L’éducation par la peur est très nocive. L’enfant ne sait pas réguler ses peurs. Il ne peut pas évaluer son émotion.
Que faire?
Comprendre, accueillir les émotions, ne pas les réprimer, les nommer, les apaiser. transmettre des valeurs, donner un cadre, des limites, avec douceur et calme. Le maternage : prendre soin, câliner, consoler, fait sécréter de l’ocytocine.
L’ocytocine permet d’aimer et avoir de l’empathie, procure du bien-être, aide à percevoir les émotions, diminue le stress et est un puissant anxiolytique.
Quand les échanges sont agréables, l’ocytocine augmente. Et à chaque fois qu’on rencontre quelque chose ou quelqu’un de bien, on secrète de l’ocytocine.
Jouer tous les jours permet le développement de l’intelligence sociale et émotionnelle de l’enfant ainsi que son équilibre psychologique.
Intervention d’Arnaud DEROO : « L’art d’accompagner parents et enfants dans leurs émotions «
Arnaud DEROO : consultant en éducation, thérapeute psychanalyste praticien en CNV et neuro feed-back dynamique.
Chef de service petite enfance dans la région Hauts-de-France.
Les professionnels de la petite enfance sont « des accompagnateurs d’émotions ».
Les recherches en neurosciences affectives ont été un accélérateur.
L’émotion est physiologique. L’enfant va la sentir et l’exprimer par tout son cœur.
C’est cet accompagnement des émotions qui va permettre l’autonomie.
L’enfant est immature et l’empathie a une place prépondérante.
Etre proche, soutenir l’enfant, établir un contact par un regard, mettre en mot cette émotion, tout cela va aider l’enfant.
« Plus il est écouté, plus il apprend à civiliser son comportement ».
Qu’en est-il du parent? Son émotion?
C’est aussi lui permettre d’avancer et de se responsabiliser.
Qu’en est-il du professionnel?
il y a un mécanisme de transfert. L’émotion de l’adulte influe sur l’accompagnement.
Arnaud DEROO évoque en fin de discours l’ouvrage de Nicole Guidenet sur la théorie de l’attachement, en rappelant l’importance de contenir l’enfant lorsqu’il ne va pas bien.
Intervention de Nadège LARCHER : « Comment réagir devant les peurs, les frustrations et les colères des enfants de moins de 4 ans? ».
Nadège LARCHER : co-fondatrice de « l’atelier des parents & Cie », psychologue et formatrice, intervenante en structure d’accueil petite enfance et en RAM.
Le développement des compétences émotionnelles :
A la naissance, l’enfant ne sait pas ce qu’est la joie, la peur, etc. C’est durant les 24 premiers mois qu’il va apprendre.
Entre 0 et 3 ans, il est phase d’apprentissage des émotions :
diversification des émotions compréhension capacité d’expression partagée des émotions
Les émotions sont universelles. Nous avons tous les mêmes émotions mais des manières différentes de les exprimer.
L’émotion est culturelle et sociale. Et pour comprendre, il faut déjà avoir des capacités de réflexion.
La capacité à utiliser à bon escient ses émotions s’appelle « la capacité émotionnelle »:
identifier les émotions les comprendre les exprimer les réguler les utiliser à bon escient.
L’accueil des émotions :
"Tous les sentiments sont légitimes. Les actes ne sont pas tous acceptables". HAIM GINOTT.
Il y a la légitimité d’exprimer ses émotions, mais attention à la manière de les exprimer.
Reconnaître une émotion, ce n’est pas l’encourager. Mais on peut faire comprendre à l’enfant ce qui est convient ou pas de faire.
Fournir les « Premiers soins émotionnels « :
Le silence : on écoute avec le regard Le reflet émotionnel : on reflète l’émotion que l’enfant est en train de vivre. On se connecte à sa partie émotionnelle.
Le reflet, c’est mettre des mots sur l’émotion, on montre l’empathie.
Le vocabulaire émotionnel : plus on met de mots, plus l’enfant contrôle ses émotions. Les supports externes, le « pansement » : il ne s’agit pas d’éviter les émotions, mais de les apprivoiser et de savoir vivre avec.
Après avoir vécu l’émotion, » tu aurais besoin de…? » Ou "Est-ce que quelque chose peut t’aider?"
La frustration:
La frustration est inévitable. Elle est un apprentissage de réalité. Elle permet aussi de faire la différence entre BESOIN et ENVIE.
La notion de temps est importante. Elle permet de diminuer la frustration. Elle est mise en place vers 6/7 ans de manière symbolique. La notion du temps physique est favorisé par les rituels.
La colère :
On ne décide pas d’être en colère, on l’est.
On aide l’enfant à canaliser :
Laisser l’enfant à côté de soi et le laisser avoir son émotion. S'il a besoin d’être pris dans les bras, répondre à son besoin.
On peut donner une feuille de papier et un crayon et proposer de faire un dessin.
On parle à l’enfant, lui permettre de verbaliser:
Par exemple, après lecture d’un livre de Jeunesse tel que « Grosse colère ».
On peut proposer » la boîte à colère »: il s’agit d’une boîte qui peut s’ouvrir dans laquelle l’enfant en colère « jette » sa colère : en verbalisant à haute voix dedans, en y posant un objet de son choix, etc. [Par exemple, ce peut être une boîte à chaussures mise en peinture, décorée par les enfants, de couleur rouge, activité manuelle introduite après lecture de « Grosse colère »].
Apprendre à respirer :
Pour apprendre à maîtriser sa respiration, l’enfant peut souffler sur « Bidule ».
"Bidule" est une petite tête en boule de polystyrène. Une face est joyeuse, l’autre face est triste. Et au dessus de la tête, une plume en guise de cheveux. On regarde avec l’enfant la face triste pour partager son émotion, on lui propose de souffler sur la plume, doucement. Peu à peu l’enfant se calme, il va mieux. On regarde enfin la face joyeuse. On partage cette dernière émotion ensemble.
On peut proposer un gros coussin pour s’y lover.
La peur:
La peur permet à l’enfant d’éviter certains risques, certains dangers.
On retrouve des peurs fondatrices telles que :
L'angoisse de la nuit tombée les premiers mois;
La peur de l’étranger et des nouveaux visages vers 10 mois;
La peur de la nuit et des cauchemars à partir de 12/18 mois;
La peur de certains animaux ( le loup, le chien, le monstre, etc.) à partir de 2 ans.
Que faire?
On évite de se fâcher, se moquer ou se transformer en chasseur de loup ou de monstre.
On verbalise la peur on répète par des mots simples que la peur est naturelle et surtout qu’elle se dépasse.
Tout professionnel est un « phare » : une base de sécurité.
Ne pas éviter les émotions mais les accompagner, c’est ce qui favorise les fondations de compétences émotionnelles. attention au phénomène de contagion émotionnelle.
Bibilographie:
« Colère, tu m’énerves! » de Magali Le Huche.
« Grosse colère » de Mireille d’Allancé.
« Les colères » de Françoise Dolto.
Références de l'émission N°3 EJE SQUARE
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